AEROCARENE


Paris retrouve son salon de l’auto en 1947. Bien que le prestige y ait toujours une place très importante, l’ensemble des restrictions qui suivent la guerre amène la population et donc les constructeurs à s’orienter vers les véhicules aux dimensions réduites comme la Dolo. Les performances ne seront pas pour autant négligées et les lignes très fuyantes seront alors mises à l’honneur.
La marque courbevoisienne Aerocarene cherchera cependant à allier luxe et petit gabarit.
Fondée la même année en 1947, elle produira un seul et unique prototype baptisé la 700. Les 2 ingénieurs à la base du projet, Desbenoît et Bodu, ont mis toute leurs compétences notamment en termes d’aérodynamisme pour peaufiner leur modèle.

La 700 s’apparente plus à un tricycle fuselé, avec une forte inspiration issue de l’aviation, qui repose sur un chassis en tôle d’aluminium et une carrosserie en duralinox, un alliage d’aluminium. Il n’est donc pas étonnant que la voiture pèse moins de 300kg.
L’aérodynamisme est marquée par ces lignes ayant la queue de l’auto en point de fuite. Cela est rendu possible par l’abandon de l’idée d’une voiture 4 roues au profit de seulement 3. Ce style streamline assurait alors à l’auto une bonne stabilité tout en réduisant la résistance à l’air de 30% par rapport à une voiture 4 roues.
Mais ce qui étonne le plus sur cette auto est surement l’absence de porte. En effet c’est bel et bien toute la partie avant du véhicule qui coulissait pour découvrir l’habitacle. Cette solution innovante apportait certes en légèreté, mais amenait aussi son lot de problème. Imaginez un instant vous garer avec cette voiture, il vous faudra oublier tous les emplacements avec un mur ou une voiture devant. Il ne vous reste plus que le bataille arrière. Les phares sont aussi un élément surprenant sur l’Aerocarene 700. Ils sont directement liés aux roues et donc dès que la voiture tourne, les phares suivent le mouvement. On peut y voir ici les prémices des feux adaptatifs. L’aspect quasiment sur-mesure de l’auto se retrouve dans son système de direction. Formé d’une crémaillère, il permettait de positionner le volant des deux côtés de la cabine.


Au-delà de la forme générale, l’emplacement de son moteur pouvait aussi étonner. Ce 2 cylindres de 684 cm3 offrant 23 ch et refroidi par air est situé quasiment en position centrale arrière, une idée inédite à l’époque. La boîte électromagnétique assure la transmission.
Ces choix techniques permettent à l’Aerocarene 700 d’offrir des performances digne d’ « une voiture américaine de 3 à 4 litres de cylindrée » avec une consommation très raisonnable ( 3 à 4 L aux 100). L’auto pouvait alors atteindre les 140 km/h.
La 700 est vraiment particulière. Elle ne fait rien comme les autres et c’est ce qui en fait sa force. La conception de cette voiture a amené le dépôt de 3 brevets dont le système d’ouverture à l’avant.
Le second brevet est un simple élément de décor mais qui deviendra un symbole de luxe, le volant cristal. Ce volant transparent saura conquérir très rapidement une clientèle aisée, et de nombreuses marques de luxe comme Delahaye l’utiliseront sur leurs modèles. Ce volant assurera aussi une certaine robustesse puisqu’en plexiglas, un matériau très en vogue à l’époque. Avec la popularité de cet objet, et la chute du prix du plexiglas, certain modèles populaires auront le droit à leur option volant cristal ; et l’idée qu’il soit de série sur la Renault 4cv a longuement été discutée avant d’être abandonnée.

Le dernier brevet sera une vraie révolution dans le monde de l’auto. En effet il permettra d’avoir des voitures bien plus profilé tout en conservant un semblant de rétrovision. Ce sont les persiennes. Plus besoin d’une vitre à l’arrière, une succession de petite ouverture suffit. Et le nombre d’exemple qui utiliseront ce système par la suite n’est pas des moindres. Lamborghini Miura, Ferrari F40 ou encore l’Alpine A310 V6, toutes ont repris l’idée d’Aerocarene sur leurs bolides.

Avec tant d’innovations, inutile de dire qu’elle a attiré l’œil pendant le Salon de l’Auto. Et elle rencontrera alors un petit succès. Cela poussera l’usine d’aviation Levasseur à proposer à Aerocarene la production d’une première série de la 700 avec 30 exemplaires. La production d’un plus petit modèle, avec un 125 cm3 cette fois, était aussi dans les tuyaux.
Malheureusement c’est une loi obsolète qui mettra fin aux espoirs grandissants de la marque. Sous le gouvernement de Vichy, les marques devaient obtenir un droit à la production de l’Etat (pour contrôler l’utilisation de matières premières). Cette loi n’ayant pas été abolie, elle contraindra de nombreuses marques a abandonner leur rêve. Aerocarene ne recevra jamais ce droit et feront faillite les années suivantes.
Une marque si innovante et qui reçoit un très bon accueil du public, c’est rare. Et pourtant, jamais la 700 ne verra la route. Mais on pourra se consoler en se disant que la marque a laissé derrière elle un véritable héritage. La prochaine fois que vous verrez des persiennes à l’arrière d’une auto, que vous verrez une voiture à moteur central arrière comme la Corvette C8, dites vous que tout cela existe grâce à deux ingénieurs et de la marque Aerocarene. Elle aurait pu devenir une grande fierté française en se développant mais cela n’arrivera jamais… AH ! Attendez, et si je vous disais que la marque a ressuscité, et qu’ils préparent un nouveau modèle, une voiture trois roues électriques avec comme slogan : « une réponse insolente à la monotonie automobile ». Et bien on a hâte de voir ça !

Rendez-vous sur : https://aerocarene.fr/