ALPHI

Un prince, un baron et un ingénieur de talent, voilà de bons ingrédients pour rentrer dans le monde de l’automobile. Pourtant, nous allons voir que la puissance économique et intellectuelle ne conduisent pas directement au succès. Ainsi sera l’histoire d’Alphi, petite marque de sportives parisienne.
En 1926, le prince Poniatowski et son ami le baron de Luard, tous deux très intéressés par l’explosion de l’automobile, se prennent à rêver d’une marque proposant des voitures sportives dignes de la compétition mais moins cher à entretenir que les reines des pistes de l’époque, les Bugattis. Pour réaliser cet exploit, ils vont recruter l’ingénieur Hougardy, et s’installeront rue de l’université. C’est le début de l’aventure Alphi ou Automobiles Luard Poniatowski Hogardy Ingénieurs.
La conception n’est pas une étape prise à la légère, notamment par Hougardy. Il ne voulait pas réaliser un cyclecar ou une simple carrosserie montée sur un châssis déjà existant. Ainsi, l’aérodynamisme est étudié en collaboration avec une recherche de solutions techniques. Les Alphi furent alors équipées de suspensions arrières indépendantes. Cela grâce à des flectors interposés entre la sortie du différentiel et les arbres de roues.
Les Alphi sont donc pensées comme des voitures de sport exclusive (la marque n’ayant pas l’ambition de produire en série) qui propose l’élégance agressive, une certaine solidité mais aussi un entretien plus simple et moins couteux que celui d’une Bugatti.
Le premier modèle arrive en 1926, sous forme d’un coupé avec un moteur CIME 6 cylindres de 1500cm3. La voiture dénote par sa garde au sol très faible et ses proportions très amples sans pour autant être excessives. Les 50 ch du moteur devait propulser la tonne de tôle et de fonte (le moteur de 200kg). Bien qu’assez légère, on aurait pu faire baisser ce poids si quelques concessions avaient été faites sur la robustesse des pièces. Elle pouvait tout de même franchir les 140 km/h.
La gamme s’étendra quelque mois après avec une version équipée d’un compresseur. La puissance monta alors de 20 chevaux, un ajout significatif surtout lorsque le châssis est allégé dans le même temps. Son allure est aussi plus impressionnante avec deux échappements qui longeaient la caisse.

La même année, sort le deuxième modèle de la marque similaire dans son style, c’est sous le capot que s’observe la différence. Le moteur reste un 6 cylindres, mais celui-ci venait de chez Continental. Cette voiture est aussi plus large, plus lourde. Elle n’est pas destinée à la course, c’est une routière, une voiture qui permet de montrer toute son élégance, son statut à chaque virée. Elle pouvait toutefois atteindre les 120 km/h.

L’année suivante, sort un torpedo 8 cylindres Lycoming de 4000 cm3. C’était le modèle le plus abouti de la marque, celui qui correspondait le plus à la mentalité Alphi. Il rappelle les modèles torpedo 4 places des Bentley ou Bugatti de la même époque. Mais cette voiture n’existe plus dans sa version d’origine. Elle est devenue un cabriolet 2 places suite aux modifications apportées par le champion d’haltérophilie Charles Rigoulot. La voiture a d’ailleurs pris le nom de Rigoulot Spéciale par la suite.
Le constructeur n’ayant pas de budget publicitaire (budget qui est surement passé dans la conception), c’est sur la piste qu’Alphi doit se faire connaître. Dès le début, ils plongent dans le grand bain en s’engageant aux 24h du Mans 1928. C’est au volant du premier modèle de la marque que Henri de Costier et Serge de Rochefoucauld vont porter les espoirs peut-être juvéniles des propriétaires d’Alphi. Mais comme de nombreuses histoires ici, elle finira en abandon. Au 45è tour, la voiture s’arrête et ne repartira plus. Le coup est dur, mais quelques bribes d’espoir existent toujours. Ainsi Alphi se retrouve sur la ligne de départ du Grand Prix de l’ACF en 1929. Mais une fois encore, la voiture ne terminera pas.

La marque cessa son activité en 1931, en n’ayant jamais connu le succès. Le choix risqué de proposer des véhicules ultra-exclusifs obligeait la marque à se démarquer de manière admirable sur les pistes afin d’entrevoir un succès commercial. Mais l’Histoire en a décidé autrement, et Alphi qui représentait un vrai savoir-faire français a disparu dans l’indifférence la plus totale. 4 voitures furent produites et seulement 2 ont survécu jusqu’à aujourd’hui.