FAGEOL
![](https://the-auto-atlas.com/wp-content/uploads/2024/07/Fageol-Supersonic-hudson.webp)
![](https://the-auto-atlas.com/wp-content/uploads/2024/07/Fageol-logo.jpg)
Et si l’on vous disiez que Ferruccio Lamborghini n’était pas unique en son genre, que 50 ans auparavant, un fabriquant de tracteurs avait eu la soudaine envie de construire certaines autos des plus luxueuses et sportives de l’époque. Rentrons dans l’histoire passionnante (et mouvementée) de la famille Fageol, une lignée qui n’aura de cesse de briller dans tous les domaines mécaniques.
En effet, dans leurs locaux de Oakland en Californie, les 4 frères Rollie, William, Frank et Claude Fageol imagineront bus, camion, tracteur, automobiles bien sur, mais se pencheront aussi sur les pièces mécaniques, des moteurs aux pare-chocs.
En réalité, l’entreprise Fageol, fondée en 1916, a pourtant obtenu un premier contrat en 1915. Pour la Panama Pacific Exposition, une grande foire d’engins agricoles, les frères sont contactés afin de fournir un système de transport afin que les 18 millions de visiteurs puissent se déplacer entre les différents « quartiers ». Naît alors le Fageol Auto Train, rapidement renommé Fadgl Auto Train dans un souci de prononciation.
![](https://the-auto-atlas.com/wp-content/uploads/2024/07/Fageol-auto-train-1024x839.jpg)
Si, dans cet article, nous allons bien sur discuter de l’ambition automobile de Fageol, il est important de souligner ce premier travail. En effet, c’est grâce au succès de leur train-tracteur, que Fageol réussira à conclure un premier accord commercial avec l’entreprise Hamilton Walking Tractor. De premiers fonds sont perçus et permettent la naissance des ambitions du constructeur Californien nouvellement établi.
Durant toute son existence, Fageol se concentrera davantage sur ses camions et bus qui rencontreront un franc succès. Nous pouvons notamment citer le Safety Bus, apparu en 1921, qui, grâce à des voies larges et un centre de gravité bas permettait d’aborder les virages avec une plus grande confiance ; et aussi leurs camions flanqués d’un large numéro 7 sur la calandre, qui s’adapteront parfaitement aux chemins accidentés d’Australie.
![](https://the-auto-atlas.com/wp-content/uploads/2024/07/fageol-safety-bus-coach-1.jpg)
Mais revenons à notre sujet, l’automobile. Pour la firme Fageol, cela s’apparente plus à un hobbie, à un coup de folie et quelle extravagance !
Nous sommes en 1916. Alors que la guerre fait rage outre-Atlantique, Frank et William s’associe au colonel Louis Bill afin de créer la division automobile de Fageol. Leur ambition est claire, construire la voiture la plus chère et avec le moteur le plus imposant possible. Etonnant pour un constructeur de tracteur me direz-vous. Il y a pourtant bien une stratégie marketing derrière tout cela, celle de mettre en valeur les moteurs impressionnants de ces autos, ces mêmes moteurs qui viendront équiper les futurs camions de la marque. Se lancer dans l’automobile est donc un coup de pub pour promouvoir une autre de leur division, celle des camions.
Parlons-en de ces moteurs. Fageol vient s’associer avec un ingénieur basé lui aussi à Oakland, Hall Scott. Ils sont d’ores et déjà largement réputés, notamment pour les engins qui équipent les avions de l’époque. Ainsi, lorsque les Fageol réclamaient le plus gros moteur jamais mis dans une auto, on va leur servir un moteur 6 cylindres issu de l’aviation. Difficile de faire mieux.
Une fois le moteur trouvé, le projet Four Passenger Touring Speedster peut se développer convenablement. Rebaptisée Fageol 100, puisqu’elle pouvait dépasser les 100Mph, elle sera très bien accueillie par les visiteurs et les journalistes au Salon de Chicago en 1917. Mécaniquement, elle impressionne. Son moteur Hall Scott offrait entre 125 et 135 ch, son radiateur, incliné, lui conférait un style unique à l’époque des radiateurs verticaux, son capot aux dents de dragons cachaient six ventilateurs. Cerise sur le gâteau, un système complet d’éclairage est mis en place avec même des lampes sous le capot. Tout cela reposait sur un châssis dessiné par Fageol. L’auto était présentée pour la somme astronomique de 9500 $ minimum (incluant le moteur d’une valeur de 5400$) soit plus de 250 000 $ aujourd’hui. Et pour ce prix là, vous n’aviez toujours pas la carrosserie.
![](https://the-auto-atlas.com/wp-content/uploads/2024/07/Fageol-100-1024x634.jpg)
A la vente, Fageol proposait 8 carrosseries différentes. Celle présentée lors du Salon était l’œuvre du carrossier Kimball. Il est aisé de dire que le cahier des charges, et l’ambition de faire de la Fageol 100, la voiture la plus chère du Monde ont largement été remplis. Les détails de l’auto ont été travaillés avec la plus grande finesse. Pour exemple, toutes les poignées de porte, levier de vitesse, et autres ont été réalisés en ivoire. Comptez alors près de 8000$ de plus pour vous offrir la désormais plus chère voiture au Monde.
![](https://the-auto-atlas.com/wp-content/uploads/2024/07/Fageol-100-carrosserie-2.jpg)
![](https://the-auto-atlas.com/wp-content/uploads/2024/07/Fageol-100-carrosserie-3.jpg)
![](https://the-auto-atlas.com/wp-content/uploads/2024/07/Fageol-100-carrosserie-4.jpg)
![](https://the-auto-atlas.com/wp-content/uploads/2024/07/fageol-100-carrosserie-5.jpg)
![](https://the-auto-atlas.com/wp-content/uploads/2024/07/Fageol-100-carrosserie-7.jpg)
![](https://the-auto-atlas.com/wp-content/uploads/2024/07/Fageol-100-carrosserie-6.jpg)
![](https://the-auto-atlas.com/wp-content/uploads/2024/07/Fageol-100-carrosserie-8-1024x526.jpg)
![](https://the-auto-atlas.com/wp-content/uploads/2024/07/Fageol-100-carrosserie-1-1024x509.jpg)
S’il vous reste un peu d’argent, vous pouvez aussi faire un tour chez un autre membre de la famille Fageol qui se fera un plaisir d’équiper votre auto d’un pare-choc flambant neuf.
Les frères Fageol espéraient en écouler 25. Mais en réalité seules 3 seront produites, dont une ne fut jamais assemblée. 2 sont donc vendues. Tandis que l’une part chez un docteur cubain, l’autre, d’après la légende, aurait plongé dans un port.
Mais que s’est-il passé ? Qu’est-il arrivé au 22 autres exemplaires ? En voyant le succès de l’auto au Salon de Chicago et l’intérêt suscité, il n’y avait aucune raison pour que la Fageol 100 soit un flop commercial. Replaçons nous dans l’époque. Fageol utilise des moteurs d’avions Hall Scott, à un moment où la guerre prend de plus en plus un caractère mondial. En réalité, il ne faut que très peu de temps avant que l’usine Hall Scott de Oakland soit réquisitionnée pour participer à l’effort de guerre, soit équiper près de 30 000 avions de leur moteur. Fageol ne peut donc plus construire, n’ayant plus de moteurs à disposition.
Durant les années de guerre, le frère Claude Fageol conduira la 100, notamment sur les routes du Mont Diablo. Là-bas, elle dévoilera ses performances sportives. Sa légèreté et sa puissance, remarquable quand on monte dans les tours, complètera le portrait de cette voiture. La Fageol 100 est une, si ce n’est La sportive de luxe.
Dans l’entre-deux guerre, Fageol continuera sa croissance en se concentrant sur le fabrication de moteurs, de bus et de camions. Il faudra attendre la fin de la Seconde Guerre Mondiale pour qu’un autre frère Fageol, Louis (ou Lou selon les sources), se penche sur le projet Supersonic.
Il faut remonter quelques années plus tôt pour comprendre la génèse du projet. Le pilote et showman millionaire Joel Thorne s’était associé à Art Sparks, avec pour ambition de créer la voiture la plus rapide du Monde, soit battre les Silver Arrow et les Auto Union. Malgré toute la fortune de Thorn, le projet ressemble de plus en plus à un gouffre financier, à tel point que le pilote réfléchit à vendre son concept déjà bien avancé à l’une de ses connaissances, Louis Fageol. Le projet l’intéresse. En effet, depuis quelques années, de grandes autoroutes sont en construction aux Etats-Unis, et Louis imagine un futur où l’on voudra relier les principales villes américaines toujours plus rapidement.
![](https://the-auto-atlas.com/wp-content/uploads/2024/07/Fageol-supersonic-thorne.jpg)
Le projet est presque repris à zéro. Un nouveau châssis de chez Lincoln est mis en place, ainsi que de nombreuses pièces de chez Packard. Niveau carrosserie, certaines lignes du projet Thorne sont conservées, mais elle devient tout de même bien plus conventionnel que la fusée en aluminium brut qui rappelait réellement les Auto Union.
Fageol présentera son projet baptisé la Supersonic aux 500 miles d’Indianapolis en 1949. Malheureusement, malgré son corps taillé pour la vitesse, le moteur Twin Miler ne permet pas à la Supersonic de se qualifier. Quatre ans plus tard, la voiture est redessinée. Encore plus aérodynamique, elle reçoit surtout un moteur absolument démentiel. Ce tout nouveau cœur fonctionnait exclusivement au propane et produisait 275 ch. Théoriquement, la Supersonic pouvait atteindre la barre des 250 km/h. Alors qu’il traversait les Etats-Unis au volant de cette voiture, comme une tournée de promotion, Louis Fageol attira l’intérêt du grand constructeur Hudson.
![](https://the-auto-atlas.com/wp-content/uploads/2024/07/Fageol-Supersonic-1949.webp)
Le géant américain souhaite que Fageol construise un prototype dans la même veine que sa Supersonic. Le Californien tentera de répondre à cette demande. Vu le délai imposé, il décide de reprendre la carrosserie de la Supersonic et de l’installer sur un châssis Hudson. Mais face aux exigences d’Hudson, notamment en terme de temps, le projet est rapidement abandonné. Fageol se retrouve dans une situation spéciale. Sa Supersonic est désormais divisée en 2 voitures. D’une part, un châssis et de nombreuses pièces de chez Lincoln et Packard, de l’autre la carrosserie unique montée sur une mécanique Hudson. Après tant de travail, il décide de ne pas remonter la Supersonic dans son état d’origine.
![](https://the-auto-atlas.com/wp-content/uploads/2024/07/Fageol-Supersonic-hudson-1024x600.webp)
Voyant deux autos mourir à petit feu, le fils de Louis, Ray Fageol, décide d’utiliser le châssis Lincoln, quelques pièces de l’ex-Supersonic, ainsi que certaines pièces de la déprogrammée Hudson pour construire son propre Hot-Rod. Après avoir obtenu l’aval de son père, Ray se met au travail et construit la Fageol Special, souvent appelé PataRay (contraction de Ray et du nom de sa femme Pat). Un vrai travail de carrosserie est effectué. Des pièces de Chevrolet et même de l’Oldsmobile 88 Indy Special sont reprises. Comme toutes les Fageol, l’extravagance est de mise. Sa livrée bi-tons, son aile arrière, son immense avant, ses 300 ch, il n’est pas étonnant de l’avoir vue concourir à Pebble Beach en 2023.
![](https://the-auto-atlas.com/wp-content/uploads/2024/07/Fageol-Pataray.jpg)
Après avoir été longtemps séparés, les deux projets sont aujourd’hui au sein de la même collection, celle de Mark Brinker. Son ambition, remettre la carrosserie de la Supersonic sur son châssis. Quant à la PataRay, elle sera préservée. Les pièces seront toutes remplacées à l’identique. Le plus grand challenge : retrouver un moteur Twin Miler (25 exemplaires seulement produits).
![](https://the-auto-atlas.com/wp-content/uploads/2024/07/Fageol-With-Brinker-1024x511.webp)
La division automobile de Fageol sera toujours éclipsée par les bus, et les camions qui ont permis à l’entreprise de prospérer. Mais on ne peut pas oublier leurs autos une fois que l’on connaît leur histoire. Bien qu’elles ne représentaient qu’un « hobbie », cela a été poussé à l’extrême. Voiture la plus chère ou la plus rapide, chacun des 3 modèles pourrait remporter un concours d’élégance. On attend impatiemment le retour de la Supersonic…