APAL
Nous avons souvent parler de marque française sur ce site. Surement puisque nous sommes un peu chauvin. Mais il faut reconnaître que nos voisins nous tiennent la dragée haute. Si l’Allemagne ou l’Italie sont les premiers noms qui vous viennent à l’esprit, cela pourrait vexer nos voisins belges qui portent en eux la passion de l’automobile. Ici nous allons parler d’une marque fleuron du sport automobile belge. Logique au pays du Raidillon et Eau Rouge.
« Application Polyester Armé Liège ». Derrière ce nom très technique, raccourci en APAL, se cache deux hommes passionnés, Edmond Pery et Bruno Vidick. Le premier maîtrise la tôlerie, tandis que le second est un artiste assez reconnu en Belgique (par ailleurs élève de Pery). Ils s’associeront et fonderont leur marque en 1961 (grâce à un prêt de 500 000 BEF du beau-père de Vidick), tout d’abord à Hertsal, puis à Blegny-Trembleur aux alentours de Liège.
APAL s’inscrit tout d’abord dans le créneau des sportives. Ils feront forte impression grâce à leur maîtrise du poids des autos, bien aidé par leur compétence en matière de matériaux.
Le premier modèle à voir le jour, l’APAL 1200/1600, est un coupé qui reprend plusieurs éléments au groupe Volkswagen. Le châssis tout d’abord, qui se trouve être celui de la Cox, mais aussi la ligne générale, la couleur ou encore les phares qui témoignent d’une inspiration des Porsches des années 50. Bien sur la carrosserie est en polyester armé. Sous son capot, nous retrouvons un 4 cylindres de 1200cm3 permettant à ce petit bolide maniable et léger d’atteindre les 180km/h. Ses performances seront mises en avant au cours des différent rallyes où elle prendra part. Enfin « ses performances », cela serait mentir. En effet, l’Apal qui participe au rallye n’est autre qu’une Porsche RS550 déguisée, ce qui facilitera quelque peu les succès de la marque liégeoise.
Pierre Bonvoisin rapporte ainsi à Apal ses premières victoires et son premier titre en rallye au championnat national de Belgique.
Côté vente cela dit, la 1200/1600 est loin des attentes. En 3 ans d’existence, seuls 150 exemplaires trouveront preneur. La raison, un prix bien trop important (plus qu’une Porsche 356). Il n’en resterait que 25 aujourd’hui.
APAL s’illustre aussi dans un autre registre que celui des rallyes, celui des monoplaces. En 1966, le constructeur belge lance sa Formule V, une monoplace sur base de coccinelle. La première version est dénuée de spoilers, et équipée du moteur 1.2L de 45ch de la Cox. Ce moteur sera rapidement changé, en fonction de la règlementation, jusqu’à ce que cette Formule V développe 70ch du moteur 1.3L. Bien sur ultralégères, ces autos étaient des monstres qui brisaient les chronos notamment aux courses de côtes.
Jusqu’à la fin de la décennie, APAL vivote. Commercialement parlant, l’affaire ne prend pas, et le constructeur se repose alors sur les gains des courses.
Le renouveau tente d’arriver en 1968, APAL présentant son nouveau modèle, la Horizon GT. Elle tranche avec l’ancienne APAL de par son style, mais aussi puisqu’elle repose sur une nouvelle base, celle d’une Triumph Spitfire. Des lignes raffinées de la 1200/1600, nous passons à une auto aux lignes beaucoup plus dures. Cela s’explique par la volonté d’un toit escamotable pouvant se ranger à plat dans un coffre à l’arrière.
Si le véhicule perd en charisme, elle conserve et améliore ses qualités de sportives. Reprenant les éléments mécaniques de chez Volkswagen (dont un 4 cylindres 1.7L), elle gagne énormément en agilité (grâce au nouveau châssis). Pour propulser les 750kg du véhicule, APAL proposait aussi d’autres motorisations comme un 4 cylindres de chez Renault, ou encore le moteur de la BMW 2002.
Mais avec son prix exorbitant et son style peu attirant, les ventes se font rares. Seuls 10 exemplaires verront le jour.
Pour équilibrer leur finance, Pery et Vidick se lance dans la conception de petits buggys. Une suite assez logique lorsque vous connaissez si bien le châssis des Cox. De l’APAL Samtrack à l’APAL Auki, c’est plus de neufs buggys différents qui seront développés par APAL. Nous pouvons citer les Rancho, Buggy 400, ou encore Corsa. Le plus illustre étant peut-être l’APAL Mexican, petits buggys qui brillera sur 3 rallyes différents : le rallye infernal de Paris, le rallye du Haut Burgey et le rallye des cimes. Enchainant les podiums, la marque se forge une solide réputation dans le domaine des rallyes de buggy.
Suite à l’échec de la Horizon GT, APAL se tournera pendant quelques années vers la reconstruction de véhicule mythiques. Avec encore une fois les châssis de la VW Coccinelle, le constructeur belge lance la Speedster, une copie de la Porsche 356. Légèrement plus performante que sa muse, elle rencontrera un petit succès sur le marché avec 700 exemplaires vendus en 13 ans de carrière (1981-1994).
Mais le rêve de Pery de voir sa propre voiture connaître le succès ne s’est pas éteint. Au contraire, il se concrétisera au détour d’une rencontre fortuite entre Pery et un concessionnaire américain de Mercedes-Benz. C’est le début du projet APAL Francorchamps. Imaginée comme une sportive de luxe, nous ne pouvons pas dire que le cahier des charges n’a pas été rempli. En reprenant les éléments mécaniques de la Mercedes W201, une carrosserie dessinée par Charles Van Den Bosh avec des matériaux supralégers (Kevlar, Aluminium), un châssis développé par APAL et un équipement intérieur alliant technologie Mercedes et savoir-faire de Duchatelet, la Francorchamps dépasse aisément les 200 km/h avec un poids de seulement 1.1T.
Deux prototypes sont présentés, un coupé et un cabriolet. Avec des annonces en grande pompe au GP de F1 de France et au Salon de Francfort, les 2 autos font forte impression puisque personne n’a jamais vu quelque chose de semblable.
Malheureusement et une fois de plus, son prix rebute de nombreux acheteurs, surtout dans la conjecture économique de l’époque ne favorisant pas le Franc Belge. Mais l’échec trouve une autre raison dans le fait que dans l’imaginaire de tous, APAL est devenu une marque de buggy et est donc loin d’une image luxueuse.
En dernier espoir, APAL se lance dans un ultime modèle, la Sport One sur base de Fiero (décidément celle-là reçoit toutes les carrosseries du Monde hors celle de Pontiac). L’échec est cuisant et signera la fin d’APAL en 1998.
La marque belge passera alors de groupe en groupe avant de finir entre les mains de l’homme d’affaires Charles-Antoine Masquelin. Certaines licences APAL seront aussi vendues et perpétués, puisqu’aujourd’hui, la licence APAL 356 appartient aux français de chez PGO.
La Belgique aura connu grâce à APAL une période de gloire en rallye. Les deux artisans passionnés n’ont peut-être pas réussi à accomplir leur rêve de créer une marque prospère, mais devenir un constructeur dont les créations se battent au plus haut niveau et ce pendant 20 ans, nous ne pouvons appeler ça qu’une grande réussite. APAL a marqué de sa patte en polyester armé l’histoire de l’automobile grâce au travail acharné de deux hommes férus de nos engins à 4 roues préférés.
Pour poursuivre votre découverte d’APAL, je vous conseille cette interview d’Edmond Pery : https://www.automag.be/APAL-a-batons-rompus-avec-Edmond