ELVA
Dans la famille des petites sportives légères, je voudrais Lotus ! Raté… Lola ? Toujours pas. Triumph ? … Si je vous dis collaboration avec un certain Bruce Mclaren, Elvis Presley ? Et vous, vous l’avez ?
Pour ceux qui ont suivi l’actualité automobile ces dernières années, vous avez surement dû voir passer ce projet de Mclaren, cette barquette sans pare-brise nommée Elva. Mais saviez-vous que ce nom là provient en réalité d’un constructeur britannique, qui fut, l’espace de quelques années, une menace majeur pour les leaders du sport automobile anglais ?
Rencontrons Franck G. Nichols, qui vient de déménager de son petit garage de Westham, pour un plus grand à Bexhill, ville hôte de la première course automobile sur route publique. Il n’en faudra pas plus pour que le quasi-trentenaire se découvre une passion pour le sport auto. Des premières sensations à bord d’une Lotus VI, il achètera une CSM et participera à quelques courses dont quelques-unes notables, comme à Goodwood. Bien qu’enthousiasmé par la petite sportive, il sent qu’elle n’a pas dévoilé tout son potentiel. Nichols se lance alors dans l’aventure, et va de ce pas produire son propre châssis et l’adapter à la CSM. La Elva Mk1 commence à naître.
Nous sommes en 1955, et la CSM modifiée est presque prête. Il ne reste plus qu’à monter des suspensions Standard Ten à l’avant et de Ford Anglia à l’arrière. Cette première Elva (de la contraction d’elle va), sera produite à 25 exemplaires. Ceci est rendu possible par le belle prestation de Nichols à Goodwood qui lui rapporta quelques investisseurs, mais surtout par la performance du premier pilote Elva, Robbie Mackenzie qui, le 22 mai 1955, grimpe la montée de Prescott en un temps record de 51.14s.
L’année suivante, la Mk2 voit le jour. Equipée d’un moteur Coventry-Climax de 1100cm3, elle constitue une réelle amélioration par rapport à sa prédécesseuse. Une coque en fibre de verre Falcon Shells, un train arrière venu tout droit de chez De Dion, la voiture se distingue par sa légèreté et son empattement plus grand.
Au court de ces mêmes années, Elva se lance dans l’aventure des Formules Juniors avec un relatif succès. Le moteur BMC A couplé à un châssis tubulaire permet au petit constructeur de triompher à quelques reprises. La FJ200, qui fut la Formule Junior la plus aboutie, permettra même à Chuck Dietrich de remporter le BRDC de Silverstone.
L’année 1958 est une année lourde pour Elva. Premièrement la Mk3, ainsi que la Mk4 sortent d’usine. La 3 n’est en réalité qu’un ajustement des suspensions et de l’aérodynamisme de la 2. Quant à la 4, le travail est beaucoup plus profond que cela. Un nouveau châssis tubulaire est imaginé, le moteur est déplacé à l’arrière, un tout nouveau système de suspension est mis au point. L’importante prise au vent, qui constituait le problème majeur des anciennes versions, est amoindrie. La Elva Mk4 est désormais une adversaire redoutable, leur offrant par ailleurs une comparaison avec les Lotus. Carl Haas, pilotera cette auto à Goodwood, puis sera couronné de succès en s’imposant devant Frank Baptista ou encore Charley Wallace aux 12H de Sebring. Cette année 1958 sera marquée par la lutte opposant ces Elvas au Lola Mk1, qui semblait dominer sans conteste à l’époque.
Carl Haas jouera aussi le rôle de directeur marketing à l’époque. Les Formules Juniors, ainsi que quelques exemplaires comme la Mk2 connaisse un succès commercial aux Etats-Unis. Le pilote suggèrera alors la conception d’une voiture de sport Elva, de série, pour ce marché Américain. Le projet naît rapidement, si bien qu’une usine est construite dans l’année à Hastings, pour produire le nouveau bijou du constructeur britannique, la Courier.
Le marché Américain s’ouvrira aussi à la Mk4 et la Mk5, sortie d’usine en 1959, qui est une version améliorée de la 4. Ces deux autos seront largement utilisées dans les championnats amateur, notamment grâce à la possibilité d’y intégrer un moteur Coventry Climax de 1475cc. L’une de ces voitures, une Mk5 appartenant à Ed Crawford, pilote Porsche, fera forte impression en remportant la USAC Road Racing Championship, avec notamment une victoire à Meadows où Crawford gagnera avec une avance de plus d’un tour sur ses poursuivants.
Ces succès marquants permettront même à Elva de faire son apparition au cinéma, grâce au film Viva Las Vegas d’Elvis Presley.
1960 marque la fin de l’ascension du constructeur. Notamment à cause de l’aventure américaine qui tourne au fiasco.
En cette nouvelle décennie, la Courier est importée et commercialisée au Royaume-Uni. Cette première version dispose d’un moteur de MG A de 1500cc. Pour maintenir une répartition des masses dignes des barquettes anglaises, il est positionné légèrement en retrait. 50 exemplaires furent produits.
Mais la filière américaine commence à accuser de nombreux retards de paiement. Retards qui se font ressentir outre-Atlantique. Un sauvetage est espéré avec la Mk2. Un pare-brise arrondi plus élégant, un moteur plus gros, les moyens investis s’accompagnent d’une production immense pour le petit constructeur, 400 exemplaires. Mais la machine ne prend pas, ou plutôt, les Américains restent de mauvais payeurs. La barque n’est pas redressée. Il ne reste à Nichols plus qu’à vendre les droits de la Courier à une autre entreprise. Trojan investit alors.
Ce souffle économique permet à Elva de renouer des liens avec leur premier amour, la course automobile. C’est dans ce contexte que la Mk7 sort des nouvelles usines de Rye. Dessinée par Keith Marsden, c’est une auto robuste et rapide qui est présentée. Ses principaux faits d’armes seront une 3ème place à Brands Hatch derrière les Ferrari, l’une pilotée par un certain Graham Hill. Malheureusement une mauvaise gestion du rapport de masse empêche la 7 de viser plus haut.
Aux USA cependant, la Mk7 reçoit un moteur, celui de la Porsche Type 547, et le réservoir change d’emplacement. La voiture « rééquilibrée » s’impose rapidement. Un 0 à 100 abattu en 5 secondes, et une vitesse de pointe de 260km/h, il n’en faut pas plus pour voir une Elva en haut du podium du Road America 500. Ce succès est rapatriée en Europe, où cette fois-ci, les Elva à moteur Porsche rentreront dans un duel féroce avec les Porsches, notamment les BergSpyder RS61, lors des courses de côtes.
Elva enchaîne quelques victoires, et il est temps pour eux de produire leur dernier modèle pour la piste. Nous sommes en 1964, et la Mk8 portera Elva pendant 4 ans. Cette nouvelle œuvre s’articule autour d’une toute nouvelle architecture. L’empattement est plus grand, mais surtout, c’est un moteur BMW 1.8L qui donne vie à ce monstre. Ce développement, portée par Mclaren (appartenant au groupe Trojan), permet à Chris Amon de se faire la main est de montrer ses compétences, notamment lors d’une troisième place à Crystal Palace, derrière deux Brabhams Bt8. 12 de ces autos furent produites pour le marché, et étaient estampillées du nom Mclaren-Elva.
Revenons quelque temps sur la Courier, maintenant propriété de Trojan. La Mk3, qui sort quelque temps après la Mk2 n’a pas grandement marqué son époque, ni même le constructeur. A noter que vous pouviez acheter cette voiture en kit. La Mk4 nous intéresse davantage. Sortie en 1962, ce coupé aux suspensions indépendantes et au moteur de MG B présente des performances impressionnantes, surtout pour un véhicule aussi économique (-1000 £).
Fort de ses realtions avec Mclaren et BMW, Elva imagine une auto destinée à l’une des courses reines du monde automobile, les 24H du Mans. Le projet GT160 naît en 1964, et c’est Trevor Frost, ancien designer de chez Trident, qui viendra s’atteler à la conception de cette nouvelle, et dernière auto siglée Elva. Avec son moteur BMW de 2L, la GT160 associait 185 ch à un poids de seulement 550kg. Une prouesse qui ne sera pas récompensée, puisque lors de l’épreuve sarthoise de 1965, Richard Wrottesley et Tony Lanfranchini sont contraints à l’abandon
Nichols cède alors ses parts à Trojan et quitte Elva pour se consacrer à une autre de ses passions, la pèche sportive. Sans son créateur, le constructeur britannique ne survivra que quelques années. Trojan, quant à eux, se concentre sur l’aventure F1 et abandonne petit à petit Elva.
Le dernier coup d’éclat, auquel Mclaren rend aujourd’hui hommage, fut la création de la Mclaren Elva M1A en 1965. Considérée comme la première Mclaren, elle est aussi la toute dernière Elva.
Elva aurait-elle due se contenter d’une aventure européenne ? On ne le saura jamais. Une chose est certaine, c’est que le souvenir d’une des marques les plus importantes du paysage du sport automobile s’est largement effacé au fil des années. Victorieuses, innovatrices, terrifiantes pour ses concurrentes, les Elva n’ont jamais déçues, et n’ont jamais craint de s’attaquer aux monstres qu’étaient Lola, Ferrari ou Porsche. Merci Mclaren de faire revivre cette histoire quasiment disparue.