DOME
Pour tous ceux qui ont grandi avec Gran Turismo, le nom Dome vous est familier. Que ce soit cette auto aux ligne futuristes, ou bien un mot que l’on retrouvait dans les noms à rallonge des voitures de course japonaises, Dome appelle à la nostalgie. Mais bien que l’on connaisse ces modèles, il en est bien moins vrai de son histoire. Aujourd’hui plongeons dans l’aventure menée par Minoru Hayashi et ses 3 amis, l’épopée Dome.
En 1965, le jeune Minoru Hayashi, qui a toujours baigné dans le monde automobile de par les entreprises familiales qui l’entourent, lorgne sur la Honda S600 de son ami Tojiro Ukitani. Dans un geste des plus remarquables, Ukitani commandera à Hayashi une version plus sportive de sa S600. Sans expérience, Hayashi va articuler l’amélioration sur deux points, l’aérodynamisme et la réduction du poids. Naîtra alors la Karasu, ou Corbeau en français. Cette auto qui présente les traces d’un amateurisme dans ses nouvelles lignes, sera la grande surprise du Grand Prix de Suzuka. Pour la première fois alignée sur une ligne de départ, la S600 façon Hayashi finit en première position. Un exploit certain sui poussera le jeune ingénieur a réaliser d’autres projets. La Macrantha tout d’abord, qui est en réalité une version modifiée d’une S800 de 1968 ; puis Hayashi se lancera dans la monoplace, un secteur ou ses amis et sa famille sont engagées, avec deux Formule Racing junior, la Wedge, construite en 1969, puis la Panic en 1971.
Ces années sont loin d’être anecdotiques, puisqu’elles vont permettre à Hayashi de forger ses premières armes dans le monde automobile, ainsi que de réaliser certaines rencontres qui s’avèreront essentielles à la naissance de la marque Dome.
En 1975, Minoru Hayashi, son frère Shoichi, Akihiro Iramajiri et Kenji Mimura fondent le projet de leur rêve, Dome (rêve en japonais). A eux quatre, ils espèrent pouvoir produire des supercars et se faire une place dans un monde dominé par Porsche, Ferrari ou Lotus.
Très impliqués sur les problématiques d’aérodynamisme, les quatre hommes vont réaliser leur premier prototype en fonction de ces critères de pénétration dans l’air. Pendant 3 ans, ils travaillent ardument afin de proposer, au Salon de Genève 1978, un concept car devenu mythique, la Dome Zero. Le succès est très important. Les lignes futuristes de la Zero interpelle le monde entier qui voit en ce design l’avenir de la sportive.
Dome profitera aussi de cette année 1978 afin de se structurer plus professionnellement. Elle s’inscrit comme constructeur automobile et fonde ses bureaux à Takaragaike, Kyoto.
Mais revenons à la Zero. Ce prototype a bien sur recours à des pièces d’autres constructeurs, construire sa propre auto de A à Z représentant un véritable gouffre financier. Ainsi, le concept reçoit le moteur de Nissan L28 développant 145 chevaux. Bien assez quand la voiture ne pèse que 920 kg. Ce vaisseau spatial, comme en témoigne toute l’instrumentation de bord, pouvait atteindre les 200km/h.
La Zero, avec cet accueil et ces performances proposées, semble promise à un bel avenir, mais malheureusement la loi va s’en mêler. Au Japon, l’auto n’arrive pas à être validée par la commission. Même la version P2, essayant de répondre aux attentes, ne coche pas toutes les cases des règlementations. Le marché japonais se ferme alors brusquement. Mais Hayashi, qui porte le projet Dome n’abandonne pas et cherche un autre pays d’homologation. Ce sera les USA. Une filière Californienne est même créée pour l’occasion et un prix est imaginé, 32 800 dollars.
Mais voilà, le succès de la Zero a aussi permis une rentrée d’argent plutôt inattendu. Le marché du jouet s’est emparé de l’image de cette auto tout droit venu du futur, et l’apport financier de ces royalties a considérablement rempli les caisses du constructeur. Si bien que l’idée d’inscrire Dome dans le sport automobile naît.
Le dilemme est le suivant. Courir en sport automobile, ou produire la Dome Zero P2. Les fonds ne permettront que l’un des deux. Et le choix est rapidement fait, tous les membres de Dome étant d’inconditionnels amateurs de sport auto. La première étape sera donc les 24h du Mans rien que ça.
Pour ce faire, ils développeront la Dome Zero RL. Une version qui suit les codes du constructeur, c’est-à-dire un aérodynamisme à son paroxysme ; mais engage aussi un moteur bien plus puissant, ici un V8 Ford-Cosworth monté sur F1. Ils participeront alors quelques années à l’épreuve mythique avec quelques invités de renom à son bord comme le batteur des Pink Floyd Nick Mason. Sans grand succès, sans grand apport financier, le projet RL est arrêté.
Mais durant la même période, la famille Hayashi va connaître le succès dans une autre catégorie du sport automobile, la F3 japonaise. Le cousin, Masakazu Hayashi, se lance dans l’aventure F3 est demande la collaboration de Minoru. En 1981, ils mettront au point la Hayashi 803, qui permettra à Osamu Nakano de remporter le championnat. Dans le même temps, une version modifiée de la 803, s’adaptant aux règlementations des autres régions, remportera le célèbre Grand Prix de Macao avec Bob Earl comme pilote.
L’aventure F3 se poursuit en 1984 avec la présentation de la Hayashi 322, qui sera tout autant un succès, puis commencera le déclin avec les 330 et 331, dernière F3 Hayashi. Masakazu abandonne alors le sport auto pour se concentrer sur l’entreprise familiale de production de jantes.
Refermons cette parenthèse Hayashi pour revenir sur Dome. En 1983, la marque n’a plus les moyens de s’engager seule en sport auto. Elle devient alors le soutien des divisions sport d’autres marques plus importantes, notamment Tom’s pour Toyota. Ainsi, ils participeront à l’élaboration de la Toyota 83 Group C pour les 24h du Mans. Ils poursuivront la collaboration mancelle pendant 3 ans, avant que Toyota quitte l’endurance pour se concentrer sur les monoplaces.
Dome devient de plus en plus spécialisé dans l’ingénierie du sport automobile, et en 1987, ils se doteront d’un objet révolutionnaire, un tunnel pour expérimenter l’aérodynamisme de leurs créations. Très intéressée, l’entreprise Giotto viendra utiliser les infrastructures de Dome, pour développer ce que beaucoup décrivent comme la fille de la Zero. La Jiotto Caspita est peut être moins extravagante que sa mère, mais attendez de connaître son fonctionnement. Giotto est une entreprise spécialisée dans l’électricité. Par conséquent, la Caspita est électrique. Oui, mais en plus de cela, elles fonctionnent à l’énergie solaire ! Une vraie innovation en 1988. Mais Dome n’arrivera pas à produire l’auto pour cause de récession. Ce fut la dernière tentative de la marque japonaise pour produire une supercar commercialisée, l’objectif initial du constructeur.
Quelques années passent, Dome se dote de nouveaux équipements, de plus grands locaux, et assoit son importance dans le domaine du sport automobile. En 1994, Dome qui s’est engagée en F3000 offre la première victoire sur châssis japonais. Ce nouveau coup de force permet à Dome de rêver du Graal, la F1.
Dès 1996, ils développent leur monoplace, la F105, dessinée par Akiyoshi Uko et développée par Tadashi Sasaki. La coque entièrement en fibre de carbone accompagne des pièces d’autres constructeurs/écuries, comme la transmission Minardi. Dome réussit aussi à obtenir un contrat avec les pneumatiques Goodyear, mais ces derniers se retireront dès lors qu’ils soupçonnent Dome d’agir comme espion pour les pneumatiques Bridgestone, eux aussi engagés en F1. Ces problèmes administratifs et matériels repoussent d’une année le programme. Ils tenteront de s’inscrire l’année suivante, en 1997, mais cette fois-ci, c’est le manque de sponsors qui empêchent Dome de rentrer dans la cour des grands. La F106, nouvellement développées, doit se séparer de Mugen, division sport de Honda, qui avait accompagnée Dome depuis plusieurs années. Le coup est dur, surtout lorsque Shinji Nakano, pilote maison rejoint l’écurie Prost, et que Honda s’associe à BAR pour la saison 99. L’enchaînement est trop violent pour la petite structure nippone, qui abandonne le projet F1 cette même année.
Depuis peu donc, Dome travaille étroitement avec Honda, notamment en JTCC (aujourd’hui Super GT). Ils ont notamment développé la Accord JTCC, mais beaucoup d’entre nous se souviendrons surtout des NSX Dome, aux livrées Mugen Castrol, Takata ou encore Raybrig. Cet engagement dans le monde du Super GT se poursuivra jusqu’en 2014. Aujourd’hui, ils produisent toujours certains châssis destinés au GT300.
Ces années à développer des autos pour le monde du sport automobiles poussera Dome à explorer la voie des formules écoles. Produites dès 1998, nous pouvons considérer celles-ci comme les uniques voitures commercialisées par le constructeur.
En 2001, Dome revient dans le monde de l’endurance. La S101 voit le jour, mais elle courra sous les couleurs du Racing for Holland, ce jusqu’en 2004. Viendra ensuite la S101.5, une version modifiée de la S101 respectant la réglementation WEC 2007 ; puis Dome reviendra avec sa propre écurie aux 24h du Mans en 2008, sur la toute nouvelle S102. Quatre ans plus tars, Dome participe une dernière fois à l’épreuve avec la S102.5, confiée au Team Pescarolo avec au volant Seiji Ara, Nicolas Minassian et Sébastien Bourdais. Sans grand succès, le programme endurance sera arrêté l’année suivante, avec la S103 du team Strakka, qui ne brillera que lors des 6h de Silverstone (3ème place).
Dome poursuit toujours ses développements, ses collaborations. Il ne fait aucun doute que si l’occasion se présente, nous les reverrons sur une grille de départ tôt ou tard. Cette marque, née d’un rêve, fait aujourd’hui partie des grands préparateurs, ingénieurs ou tout autre terme pouvant signifier l’appétence pour le sport automobile. Ici coule un héritage fort, issu d’un concept qui restera gravé dans la mémoire de beaucoup, la Dome Zero.