AMEDEE BOLLEE
Elle en aura vue des changements notre automobile en un siècle. Bien avant les GPS, les freins à disque ou même les moteurs à essence, quelques courageux inventeurs se sont lancés dans ce domaine à peine naissant. Ensemble, ils ont posé les bases de la plus grande innovation du siècle dernier. Parmi ces cerveaux, on retrouve un manceau du nom d’Amédée Bollée.
S’il commence sa carrière en tant que fondeur de cloches, Bollée se penche aussi sur les nouvelles technologies. Il se rend de nombreuses fois aux différentes expositions universelles, afin d’assouvir sa curiosité.
Le déclic viendra en 1867, lorsqu’au détour de l’exposition universelle, un drôle d’engin à quatre roues avance propulsé par un moteur à vapeur. Quelle invention superbe, une calèche autonome, c’est le futur ! Et cela n’échappe pas au Manceau qui commencera à imaginer sa propre « voiture », dès cet instant.
Ainsi naîtra l’Obéissante, un véhicule à vapeur pouvant accueillir 12 passagers à son bord. Bien qu’imposante, elle pouvait atteindre les 40km/h tout en restant très silencieuse. Elle arrivait même à gravir des pentes de 12% à faible vitesse. De plus sa maniabilité est impressionnante, cela est du à sa direction en double-pivot. Mais elle a forcément ses mauvais côtés ; une consommation effarante de 4 kg de charbon par kilomètre en plus d’une grande quantité d’eau.
Elle incarne à elle seule les prémices de l’automobile. 4 roues, une direction double-pivot, des suspensions et un système de propulsion, on reconnaît ici le schéma le plus basique pour décrire une voiture. Mais à l’époque le terme choisi est assez étonnant puisque l’Obéissante est présentée comme UN automobile.
Si l’Obéissante est si connue, c’est surtout pour son périple du Mans à Paris. En 1875, Bollée prend le volant depuis son atelier, avec comme objectif de rallier la capitale. La voiture étonne sur le parcours mais de manière plutôt positive, et ce en grande partie grâce à la discrétion sonore de l’engin. Il atteindra Paris en 18h, mais sera verbalisé 75 fois sur son sur le chemin. Cependant toutes ces contraventions sauteront grâce au préfet de police. La cohue qui avait été provoquée par l’arrivée de Bollée sur les bords de Seine avait obligé la police à intervenir. Et pour convaincre le préfet de la sécurité de son auto, Bollée lui avait offert une petite démonstration qui s’avéra très concluante. Au-delà de cet épisode comique, cette scène incarne la naissance du code de la route, puisque l’on demandera à l’inventeur de rouler à 16 Km/h au maximum.
Si son invention marque la population, elle ne trouve pas le succès commercial. Cela s’explique par ce concept surement trop avant-gardiste, mais aussi par la taille imposante du véhicule qui est perçue comme une vraie contrainte.
Trois ans plus tard, et après un gros travail de miniaturisation de la machinerie, la Mancelle sort des usines. Elle sera considérée comme la première voiture de série avec 50 exemplaires produits. Elle reprend les bases de l’Obéissante avec son moteur à vapeur, mais est aussi équipée de nouveaux systèmes tels qu’une boîte de vitesse ou un différentiel. Là où l’Obéissante pesait 4,8T, la Mancelle divise ce poids quasiment par 2 avec seulement 2,75T. Cela n’empâtit pas sur ses performances pour autant. La Mancelle atteint les 42 km/h. Elle obtiendra alors un succès commercial plus important avec notamment Gustave Koechlin, un industriel alsacien comme premier client.
Pour poursuivre sa promotion, Amédée Bollée va présenter son invention au-delà de la France et plus particulièrement en Autriche. Une fois de plus l’auto fait forte impression, si bien que le brevet Bollée fut acheté par une société. Malheureusement celle-ci ne fit que des voitures miniatures.
Le brevet est donc transmis à l’entreprise allemande Arons, qui produira la Mancelle à 22 exemplaires. L’entreprise fera cependant faillite en 1881, année de sortie du dernier exemplaire. La collaboration entre Arons et Amédée Bollée s’arrête donc rapidement, et cela est peut-être une très bonne nouvelle pour le français puisque jamais un sous n’avait été donné par l’entreprise allemande à l’ingénieur.
Durant ces années troubles de collaboration, Bollée n’a pas chômé puisqu’en 1880, « La Nouvelle » sort et montre le développement rapide de l’automobile. Pour la première fois, le conducteur est à l’intérieur de la voiture.
L’année suivante, Bollée se penche sur la performance et cherche à tirer le meilleur de son moteur à vapeur. C’est ce qu’il fera avec « La Rapide », première auto à dépasser le km/minute avec une moyenne de 62 km/h. Ce sera le dernier modèle produit par Amédée Bollée, mais loin d’être la fin de la marque. Le fils de l’ingénieur, Amédée Bollée fils, a grandi dans ce milieu riche et effervescent de l’innovation automobile et c’est autour d’une invention qu’il va travailler, le moteur à combustion interne.
Il commencera tout d’abord à développer un moteur rotatif pour aéroplane. Puis il se penchera sur la turbine. La technique qu’il mettra au point ne s’avère pas très concluante, notamment à cause de sa faible autonomie d’uniquement 2 heures.
Mais son invention principale reste un moteur horizontal qui peut être décliné en version monocylindre, bicylindre ou quatre cylindres. Il utilisera l’une de ses variantes, le bicylindre, qu’il combinera avec un châssis quatre places. De nombreuses solutions techniques seront ajoutées, notamment un système de gicleur noyé, création d’Amédée Bollée fils. Il alignera son projet à la course Paris-Marseille-Paris en 1896. L’épreuve se déroule sans accroc jusqu’au deuxième jour, où Bollée percute un arbre tombé suite à une tempête. La voiture est irrécupérable, mais elle aura prouvé ses qualités tant bien en fiabilité qu’en performance. De Dietrich sera impressionnée par les travaux du français et va alors acheter une licence pour pouvoir utiliser tous les brevets de la firme d’Amédée Bollée.
La collaboration entre les deux parties commence concrètement en 1896 avec le type A à moteur essence.
Deux ans plus tard sort le torpilleur type B. Elle s’oriente vraiment vers le sport, en témoigne la carrosserie en alu. La type B sera au départ de la course Paris-Amsterdam-Paris. Et malgré le fait que l’épreuve avait été interdite par la Préfecture de la police de la Seine, elle se déroulera en toute clandestinité. Elle sera le lieu d’une bataille Panhard et Levassor contre Bollée, bataille haletante durant la première moitié, moins en seconde partie, les Bollée victime d’accident et de problèmes de pneumatiques. Le Torpedo de Gaudry terminera tout de même à la 3ème place, et les Amédée Bollée ressortiront de l’épreuve avec une belle popularité.
La marque poursuit sa carrière sportive avec plus de succès encore. Une victoire de Loysel sur la Bordeaux-Biarritz, une de Giraud sur la côte de Chanteloup, ou encore sur la Bordeaux-Périgueux avec Barbereau-Bergeon à son bord. Ces nombreux succès offrent une excellente réputation à la marque qui voit ses commandes s’envoler. Une aubaine pour Amédée Bollée, mais aussi pour De Dietrich, qui voit leur caisse se renflouer. D’ailleurs De Dietrich participera activement à la popularité de la marque en prouvant la robustesse de ses autos en réalisant sans incident un Paris-Saint-Petersbourg-Paris, ainsi qu’une aventure jusqu’au Niger sans préparation de la voiture.
La course comme moteur de création, c’est la recette que conservera la firme en 1899 lors de l’élaboration d’une auto à moteur monobloc et aux suspension surbaissés. Elle fût alignée au 1er tour de France de l’auto et terminera 5ème.
A l’aube du XXème siècle, la marque s’oriente vers le luxe. Dès 1900, une auto héritière du châssis du torpilleur voit le jour. Baptisée type D, elle proposait pour la première fois plusieurs carrosseries, à savoir torpilleur ou tourisme.
Avec environ 40 modèles produits par an, Amédée Bollée reste très productive avec son type D. Il sera cependant remplacé en 1912, une 16 HP.
Vient alors le premier conflit mondial au cours duquel la marque mancelle sera réquisitionnée pour produire des véhicules de soins. Elle produira aussi des gaines relais pour obus dans le même temps.
La mort du père Amédée Bollée père marque un coup d’arrêt pour l’entreprise. Le cœur n’y est plus.
La marque stoppera alors la production de ses autos en 1923, se concentrant alors sur la construction de segments pour pistons. Elle prendra alors la raison Société segment AB, société qui se trouve toujours actuellement à Arnage.
La fin d’Amédée Bollée sera marquée par de nombreuses innovations comme un système de rattrapage automatique des soupapes mais aussi la création d’un moteur à haut rendement.
Amédée Bollée aura marqué l’histoire automobile de son empreinte et son nom résonnera à jamais lorsque l’on évoquera cette invention. De la passion pour l’innovation, à la passion pour la course automobile, la famille Bollée aura créer l’automobile et son Monde. De vraies légendes qui seront couronnés d’une légion d’honneur pour le fils en 1926, qui mourra malheureusement la même année.