ALBAR
Quand on vous parle de la Suisse, vous pensez au chocolat, aux fromages, aux Alpes ou peut-être aux edelweiss. Mais vous pensez aussi surement au calme, la détente, après tout il est bien connu que les suisses sont lents non ? Et bien laissez moi vous compter l’histoire d’Albar, la marque de sportives suisses.
C’est en 1978 qu’Alois Barmettler, un entrepreneur suisse du canton de Nidwald, se prend à rêver d’une coccinelle buggy. Allier la qualité allemande à la précision suisse, voilà son leitmotiv. Il créera alors la marque Albar, mélange de son prénom et de son nom et s’installera à Buochs.
De 78 à 80, plusieurs kits de Coccinelles modifiées par Albar sont proposés à la vente. Ainsi dans leur catalogue, on peut retrouver le buggy ES, la version S, la Käfer-E et pour finir la Super-Käfer.
La première de la liste constitue l’entrée de gamme de la marque. La carrosserie est coulée en une seule pièce, en incluant les ailes. Plusieurs éléments de la Cox sont enlevés, comme le pare-brise et son cadre. Ils seront remplacés par un cadre en alu et un verre feuilleté et teinté de sécurité. La voiture est donc largement allégée, sans pour autant mettre de côté l’aspect sécurité, extrêmement important pour un buggy. Elle apparaît sur le marché en 1983.
L’Albar Buggy S est un modèle plus agressif que la ES. Plus aérodynamique aussi, puisqu’elle présente des spoilers, notamment une lame avant imposante qu’il fallut faire homologuer.
Les 2 modèles rappellent la Meyers Manx mais avec un côté survitaminé. Les portes papillons amovibles sont aussi un bon moyen d’offrir le choix au client, qui d’une certaine façon s’approprie son modèle.
Avec une popularité grandissante, Albar se diversifie. Désormais, au lieu de se concentrer sur le buggy, Barmettler veut concevoir des petites bombes de course. Cette idée prend vie dans la Käfer-E. On y trouve alors tous les éléments digne d’une supercar, pneus larges, kit aéro, voiture abaissée, mais surtout un moteur Porsche à l’arrière propulsant la carrosserie à 165 km/h.
Albar met aussi en parallèle un système de préparation. Vous pouviez en effet apporter à l’équipe Albar votre VW, qui installait alors les pièces pour faire de votre allemande une bombinette. Chaque nouvelle pièce ajoutée venait avec son document attestant de son homologation, et il était impératif d’avoir ces papiers en cas de contrôle de police.
Mais pourquoi s’arrêter là quand on peut ajouter 40ch à la bête. Voici la Albar Super-Käfer. 100ch, kit aéro venant de chez Porsche, de toutes nouvelles ailes, c’est la « Coccinelle la plus exclusive de tous les temps » (catalogue Albar). Le moteur Porsche de 2L apporte, en plus de la performance, une sonorité unique propre aux moteurs Porsche.
De 1978 à 1984, Albar travaille sur un projet annexe. Toujours sur une base de Cox, l’Albar Jet est un coupé musclé dont la carrosserie en fibre de verre vous rappellera plus celle d’une De Tomaso Pantera plutôt que celle d’une Cox. Elle ne rencontrera pas un franc succès. Quelques exemplaires seront vendus en Suisse, en Allemagne ou encore en Autriche. La voiture s’appelait alors la Strato, le nom Jet étant réservé à la Grande-Bretagne. Le peu de vente peut s’expliquer par le petit moteur d’1.6 L VW qui ne garantissait que peu de frissons. Albar a tenté de tourner ce problème à leur avantage en signifiant qu’avec l’aérodynamisme de la voiture en plus, la consommation de la Jet était bien en-dessous de la concurrence.
C’est donc un modèle assez rare qu’il est très difficile d’apercevoir et de reconnaître, surtout que de nombreuses Jet ont été modifiées esthétiquement notamment au niveau du pare-choc avant.
L’échec de la Jet ne refroidi pas pour autant Albar dans ses projets de supercar. Au contraire, si l’on pouvait reprocher à la Jet d’être un peu trop stéréotypé, la Sonic, sortie en 1982 est un extraterrestre. La ligne de cette auto varie de traits francs à l’avant, à un caractère beaucoup plus ondulé à l’arrière. On pourrait croire que ce sont 2 modèles différents que l’on a fusionné ensemble. Il y eut un restylage à un moment dans la production, puisqu’au début la voiture avait une ligne complète de 7 feux avants. Plus tard, on retrouvera une ligne de 6 feux avants alignés mais séparés au milieu par un bout de carrosserie. A l’arrière, on pourrait se questionner sur l’utilité de l’aileron imposant. Et comme si cette voiture ne semblait pas assez compliquée, Albar a décidé d’y ajouter des portes suicides. Bref esthétiquement elle sort du lot et pas qu’un peu. Côté technique, la Sonic a reçu différents moteurs. D’abord un Flat 4, il sera remplacé par un moteur de Golf ou de Renault 25 peu après. La version Spyder de la Sonic I sera équipée d’un moteur Porsche.
La Sonic II quant-à-elle recevra le moteur de la Golf 1600, tandis que la dernière version se verra attribuée un bloc V6 de chez Renault.
10 Sonics furent vendus en tout, dont 6 au même propriétaire Saoudien.
Ce modèle peut sembler inconnu et pourtant il est prêt à parier qu’un Allemand la reconnaîtrait. En effet, la voiture est une star dans le film allemand Killing Cars. L’Albar Sonic, recarrossée, y joue quasiment le rôle principal tel la Fury dans Christine. Son nom d’actrice, la « Korda World Car ». Le film sorti en 1986 n’est peut-être pas excellent, pourtant il soulève des problématiques très actuelles. L’histoire nous plonge dans les années 80, dans le garage d’un scientifique. Ce dernier va construire la première auto écologique, notre Albar, aka la Korda. Par la suite, des industriels, des magnats du pétrole tenteront de détruire cette voiture. Je ne vous spoil pas la fin, vous pourrez ainsi vous faire un avis sur les performances d’actrice de notre Albar.
En 1995 la production de la Sonic cesse. Le peu de vente entraîne Albar à la liquidation. L’histoire de la marque Suisse s’arrête en 1996.
Les Suisses sont peut être lents, peut-être neutres, mais ces adjectifs ne peuvent s’appliquer à Albar. Des Cox monstrueuses, des carrosseries extravagantes, Albar sort du lot. Et aussi étonnant que cela puisse paraître, surtout après avoir vu qu’ils essayaient de mettre le plus gros moteur possible dans une VW, la marque avait une conscience écologique. Ils essayaient même de l’enseigner au plus jeune avec leur Kinderbuggy, une voiturette électrique pour enfant pouvant vous propulser à 5 km/h !