AGS (AUTOMOBILES GONFARONNAISES SPORTIVES) FORMULE 1
De nos jours, la Formule 1 est un sport où l’argent est roi. La FIA demandant une sécurité financière pour pouvoir concourir dans la catégorie reine du sport auto, peu d’écuries osent aujourd’hui se lancer dans l’aventure. Mais ce ne fut pas toujours le cas. Il n’y a pas si longtemps les équipes pouvaient aligner une monoplace seulement sur quelques Grands Prix ce qui réduisait grandement les frais. De plus, les conditions d’entrées étaient bien moins sévères et amenaient de nombreux courageux à tenter leur chance.
Nous sommes en 1969 et nous retrouvons Henri Julien, pilote aguerri qui avait fait ses classes en Formule Junior. Mais il n’arrivera jamais à gravir les échelons du sport. Au lieu de s’apitoyer, le gonfaronnais va tout de suite réagir et s’orienter vers la technique et la technologie automobile. Il créera alors son entreprise, AGS pour Automobiles Gonfaronnaises Sportives et produira une première monoplace, la JH1 qui participera au championnat Formule France. Bien que cela semble rapide et soudain, Julien est en réalité un féru de mécanique. Il avait déjà construit de lui-même une Formule 3 pour participer à des courses amateurs au tout début de sa carrière. Après quelques « essais » au niveau national, AGS passe à la Formule Renault Europe avec un certain Jean Ragnotti. Et des victoires, il y en a et en toute logique, l’ascension continue vers la F2.
Les AGS ne proposent pas d’innovations aussi extraordinaires que loufoques. Elles sont juste simples mais d’une efficacité redoutable. C’est ce qu’elles prouveront entre 1978 et 1984 dans divers courses de F2 (Pau, Zandvoort, ou Brands Hatch, la dernière course de l’histoire de la F2) avec leur sponsor de taille, Motul. L’écurie montre une vraie cohésion, et les machines et leurs pilotes travaillent dans un seul et même objectif, le succès.
En 1985, la firme française entame le championnat de F3000, et par un coup du sort recevra les chassis RE40 de Renault qui vient de se retirer de la F1. L’opportunité est trop belle pour ne pas la saisir. Ils travailleront à la conception d’une monoplace avec moteur V6 toute l’année, et en 1986, la première AGS F1 nommée la JH21C arrive dans le paddock. Enfin plutôt en milieu d’année, au grand prix d’Italie pour être précis. AGS possède certes des sponsors (Charro), mais n’est cependant pas une grande puissance économique. La marque doit donc choisir à quels Grands Prix elle souhaite participer. Cette première course en F1 pour AGS et pour son pilote italien Ivan Capelli ne se déroulera pas comme prévue puisqu’elle se terminera au 31ème tour sur crevaison. La semaine suivante à Estoril, au Portugal, le schéma se reproduit cette fois-ci au 6ème tour et avec la boîte de vitesse. C’est ainsi que se conclut la première saison d’AGS en F1.
L’année 1987 voit le passage des moteurs V6 au V8. AGS opte donc pour le V8 atmosphérique Cosworth pour la JH22C. Contrairement à l’année passée, l’écurie participe à la saison complète. La seule monoplace sera tout d’abord pilotée par le français Pascal Favre. L’auto est alors prometteuse, naviguant autour de la 10ème place le long des 7 premières épreuves. La 9ème place obtenue à Silverstone semble montrer le potentiel et de la voiture et du pilote. Mais dès le Grand Prix suivant, plus rien. Favre enchaînera abandons et non-qualifications. Et ce pendant 6 longues courses. On peut difficilement faire une saison autant en demi-teinte. Bien que Favre soit apprécié dans l’écurie, force est de constater que les résultats ne suivent pas, et pour une écurie au faible budget tel qu’AGS, les résultats sont synonymes de survie financière. C’est ainsi que Favre est remercié pour faire place à un pilote brésilien Roberto Moreno. Il participera aux deux dernières courses de la saison, à Suzuka et sur le circuit urbain d’Adélaïde. La première se terminera par un abandon, mais la seconde se finira à une incroyable 6ème place qui par la même occasion permet à AGS de remporter son premier point en F1. La voiture est donc bel et bien rapide et c’est avec cet élan que l’écurie va entamer la saison 1988.
Christian Vanderpleyn et Michel Costa, les deux ingénieurs maisons bénéficieront de fonds supplémentaires. Ces derniers sont apportés par la marque Bouygues qui s’est engagée avec AGS sous l’impulsion d’un certain Nicolas Sarkozy. Et cela va porter ses fruits. La JH23 est bien plus performante. Elle se bat pour le milieu de tableau sur une grille bien plus relevée qu’en 1987. Mais un autre problème va faire surface. Celui qui a fait sombrer de nombreuses écuries, celui de la fiabilité. Philippe Streiff l’unique pilote de la marque cette saison ne ramènera pas un seul point alors que les occasions se sont présentées à plusieurs reprises. Et cela dû uniquement à la fiabilité de l’auto. Une saison économiquement et sportivement ratée.
En 1989, la FIA impose aux écuries de présenter deux monoplaces. Ne souhaitant pas sacrifier tout son argent, Henri Julien revend l’écurie à Cyril Bourlon de Rouvre, maire de Chaumont et propriétaire de plusieurs dizaines d’entreprises. La marque engagera alors un pilote allemand, Joachim Winkelhock, qui apporte avec lui l’argent de Liquid Moly. Il sera le coéquipier du fidèle Philippe Streiff. Le temps de mettre en place toute cette nouvelle organisation, il est devenu impossible pour AGS de participer au début de la saison. La AGS JH23B commencera au Grand Prix du Brésil, mais dans la douleur. 10 jours avant, lors d’une séance d’essai de pneumatiques, le pilote français Streiff décolle et finit dans le filet de sécurité après des tonneaux, rebonds et autres choses qu’on déteste voir. Le pilote est vivant, mais sa moelle épinière est touchée. Ce jour-là, le meilleur pilote de l’écurie est devenu tétraplégique. Un grand coup dur pour AGS qui le remplacera par l’italien Tarquini. De son côté, Winkelhock déçoit puisqu’il ne se qualifiera à aucune des courses auxquels ils participent. Il sera limogé avant le Grand Prix de Grande-Bretagne au profit du jeune Yannick Dalmas, qui ne brillera pas non plus. En cours de saison, la JH23B est remplacé par la JH24. Optant pour une innovante boîte longitudinale, les problèmes de fiabilité, notamment de refroidissement persistent. Elle ne ralliera jamais une seule arrivée.
Cette saison est désastreuse. Seul les exploits de Tarquini semble amener un peu de lumière dans cette période sombre. Il réussira à ramener le point de la sixième place au Grand Prix du Mexique ainsi qu’une autre septième et huitième place. Ce seront les 3 seuls fois où une AGS finira la ligne d’arrivée cette saison.
La fougue des premières saisons où l’espoir naissait a totalement disparue. Mais l’écurie persiste. En 1990, après deux courses avec la JH24, la JH25 fait ses débuts. La voiture qui auparavant était performante mais peu fiable est désormais à la traîne et toujours aussi peu fiable. Cela est surement dû à la réticence de De Rouvre à investir davantage dans le développement des monoplaces. Avec Dalmas et Tarquini, la monoplace n’arrive presque plus à se qualifier aux courses par manque de performances et de fiabilité. Cependant et étonnamment, les deux pilotes réussiront à franchir la ligne d’arrivée plusieurs fois avec une 9ème place comme meilleur classement.
L’année suivante, toujours avec la JH25, Yannick Dalmas laisse sa place au Suédois Stefan Johansson. De Cesaris avait été dans les tuyaux pour rejoindre l’écurie mais celui-ci se tournera vers Jordan. C’est alors avec très peu de moyens que AGS commence la saison, et cela va se faire ressentir. La monoplace n’a pas reçu d’amélioration depuis le début de l’année dernière et De Rouvre a pour unique objectif de revendre ses parts. A tous les postes, les départs et les démissions s’enchaînent, l’ambiance est absolument incompatible avec la lutte au Championnat du Monde de F1. On saluera alors la 8ème place de Tarquini au Grand Prix inaugural des Etats-Unis, seul finish d’AGS cette saison avec la JH25. Ce dernier sera rejoint par son compatriote Fabrizio Barbazza en cours de saison. Mais la voiture est devenue bien trop lente et imprévisible. Il est grand temps d’en changer.
Bienvenue à l’AGS JH27, et l’histoire va être courte. L’équipe est une nouvelle fois désorganisée par un rachat. Les italiens Gabriele Rafanelli et Patrizio Cantù prennent la barre. Mais sans financer la petite écurie. Tarquini n’en peut plus, lui qui a voué tant d’effort à aider AGS, il ne se ferme plus aux propositions extérieures et va rejoindre l’écurie italienne Fondmetal. Il avait essayé la JH27 pour ses débuts au Grand Prix d’Espagne mais après une énième déception, il avait déclaré : « au début tout allait bien, et puis l’état d’esprit a changé, j’ai eu l’impression que l’équipe s’était mise en vacances, acceptait son sort… Comment continuer à investir son propre argent dans ces conditions ? »
Mais qui peut remplacer Tarquini ? Bien que des noms circulent dans le paddock, personne n’aurait pu prévoir le choix des patrons d’AGS. Surement pour ramener l’argent de Marlboro, ils vont signer Olivier Grouillard, lui-même qui venait d’être viré de chez Fondmetal pour mauvais (très mauvais) résultats. On ne sait pas réellement où est passé l’argent de Marlboro puisque le contrat de Grouillard dura une seule course, à laquelle vous vous en doutez il ne se qualifiera pas. Trois semaines après la signature de ce contrat, l’écurie AGS F1 fera faillite.
Cette écurie possède une histoire bien triste, de cette écurie familiale à l’ambiance exceptionnelle à cette pseudo-écurie qui traîne dans différentes magouilles économiques. Alors on préfèrera se rappeler de la passion d’Henri Julien, ce créateur, ingénieur et personnage de la F1, de Philippe Streiff et de son coup de volant que l’on aura pas eu le temps d’assez apprécier, ou bien de la fidélité, du travail, de l’amour profond de Tarquini pour l’AGS familiale, l’AGS tournée vers l’émotion. Aujourd’hui, AGS existe toujours. Elle s’est débarrassée de ses démons économiques et nous partage la passion de la F1 via des stages de Formule 1 sur un circuit du Var. Une belle façon de rendre hommage à Henri Julien.
Pour aller plus loin dans la découverte de cette superbe écurie, je vous conseille cet article d’Aurélien Attard : https://formulemoy1.com/2018/10/03/ags-en-quatre-histoires/